Par un arrêt du 19 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Bordeaux écarte l’application de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution au profit des dispositions spécifiques de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
Le 26 juillet 2006, le ministre de l’intérieur avait pris un arrêté privant un agent public du bénéfice de sa rémunération, à raison du service non fait par l’intéressé. Cet arrêté ayant par la suite été annulé par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 28 août 2009, le ministre avait, en exécution de cet arrêt, versé à l’agent les rémunérations dont il avait été privé entre le 26 juillet 2006 et le 28 août 2009.
Le CE a toutefois annulé cet arrêt de la Cour et, réglant l’affaire au fond, confirmé la légalité de l’arrêté ministériel du 26 juillet 2006. Le ministre de l’intérieur a alors entendu obtenir le reversement des rémunérations indûment allouées à l’agent en exécution de l’arrêt de la Cour, par l’émission de deux titres de perception.
Le tribunal administratif de la Guadeloupe ayant annulé ces deux titres de perception au motif tiré de la prescription des créances, la Cour était saisie de l’appel du ministre de l’intérieur.
La Cour rappelle tout d’abord que, par application l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative, une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut être répétée dans un délai de deux ans, à l’exception seulement de deux hypothèses mentionnées par le texte, dans lesquelles s’applique le délai de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du code civil.
La Cour estime que le législateur a, par l’instauration de ces dispositions, entendu instaurer une règle de prescription spécifique applicable de plein droit, sauf exceptions limitativement énumérées, à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération.
La Cour écarte en conséquence la règle générale de prescription décennale de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution dont le ministre se prévalait pour la première fois en appel et, dès lors que la créance litigieuse n’entre pas dans le champ des exceptions énumérées par l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, fait application de la règle spéciale de prescription biennale posée par ces dispositions.
Le point de départ de la créance devant être fixé à la date de notification de l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 octobre 2011, la Cour relève ensuite que le délai de prescription alors applicable n’était pas parvenu à son terme à la date d’entrée en vigueur, le 30 décembre 2011, de l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011. Par application de l’article 2222 du code civil, la Cour estime que de nouveaux délais de prescription, de deux ans, ont commencé à courir, en fonction des dates de versement des éléments de rémunération, pour expirer soit le 31 décembre 2013, soit le 31 janvier 2014.
La Cour observe qu’alors que l’administration ne se prévaut d’aucun acte interruptif de prescription, ce n’est que le 27 février 2014, soit postérieurement à l’expiration des délais de prescription, qu’elle a émis deux titres de perception en vue du recouvrement des trop-perçus de rémunération par son agent.
La Cour confirme en conséquence l’annulation de ces titres prononcée par le tribunal, au motif tiré de la prescription des créances.