Refus d'autoriser les machines à sous de Gujan-Mestras : augmentation de l'indemnité

Décision de justice
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Réévaluation à la hausse de l’indemnité due par l’Etat à la société du Casino du Lac de la Magdeleine

Par un arrêt du 16 octobre 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a réévalué à la hausse l’indemnité due par l’Etat à la société du Casino du Lac de la Magdeleine du fait des prescriptions illégales qui assortissaient son autorisation d’exploiter des machines à sous.

La commune de Gujan-Mestras a délégué à la société du Casino du Lac de la Magdeleine l’exploitation du casino municipal, établissement qui réalise des activités de spectacle, de restauration et de jeu. Déjà autorisée à tenir des tables de jeux, la société du casino a demandé, en février 2006, l’autorisation d’exploiter en sus des machines à sous. Par un arrêté du 12 juillet 2006, le ministre de l’intérieur l’a autorisée à exploiter cinquante de ces machines, l’article 2 de l’arrêté ajoutant cette restriction que l’autorisation entrerait seulement en vigueur le 1er octobre suivant.

Le 14 août 2006, saisi par la société, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l’exécution de cet article 2. Puis, par un jugement rendu au fond le 25 novembre 2008, le tribunal administratif l’a annulé pour excès de pouvoir, au motif que la restriction qu’il comportait ne reposait sur aucune base légale non plus que sur aucun élément de fait susceptible de la justifier. Ce jugement, à défaut d’appel, est devenu définitif.

La société a alors adressé au ministre de l’intérieur une demande préalable d’indemnisation pour ses pertes d’exploitation des mois de juillet et d’août 2006, en se prévalant de l’illégalité fautive qui l’avait empêchée d’exploiter ses machines en temps voulu. Ne recevant pas de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, lequel, par jugement du 15 février 2011, a condamné l’Etat à verser à la société du casino une indemnité de 23 875 euros. Celle-ci, estimant son préjudice insuffisamment réparé, a cependant interjeté appel devant la cour.

Au stade des principes, la cour confirme en tout point la solution du tribunal. Elle refuse ainsi l’indemnisation des préjudices, invoqués par la société, tirés de pertes d’investissements et de dépenses promotionnelles. En effet, ni les dépenses exposées pour le financement d’évènements destinés à assurer la promotion touristique de la commune de Gujan-Mestras, conformément aux stipulations du contrat de délégation de service public conclu pour l’exploitation du casino, ni les investissements réalisés, dont la société aurait dû, en tout état de cause, supporter le coût, ne sont directement imputables à l’illégalité commise par l’administration.

La cour s’écarte cependant du tribunal sur la période de responsabilité. Elle juge que, même en tenant compte du délai technique de 15 jours nécessaire à l’installation des machines à sous, la société du casino a été illégalement privée de la possibilité d’exploiter pendant trente-trois jours, et non dix-huit comme les premiers juges l’avaient retenu.

Elle s’écarte également du tribunal en ce qui concerne les bases de liquidation de l’indemnité. Le tribunal administratif s’était fondé, pour évaluer les pertes, sur les résultats de l’exploitation en septembre 2006. La cour retient quant à elle les résultats des 30 et 31 août, plus représentatifs de l’activité estivale du casino. Par conséquent, elle porte l’indemnité due par l’Etat de 23 875 euros à 87 120 euros.

CAA Bordeaux, 3e chambre, 16 octobre 2012, 11BX00726, C, Société du Casino de la Magdeleine

L'arrêt dans sa version simplifiée

Vu la requête enregistrée le 21 mars 2011, présentée pour la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE, ayant son siège Lalande Commune Est à Gujan-Mestras (33470), par Me Richer ;

La SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0702536 du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2011 en tant qu’il a limité à 23 875 euros l'indemnisation de son préjudice résultant de l’illégalité des dispositions de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2006 reportant au 1er octobre 2006 l’exploitation de cinquante machines à sous ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une indemnité supplémentaire de 816 125 euros portant  intérêts au taux légal à compter du 13 février 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Colombet pour le Cabinet Richer, avocat de la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE et de Me Fergon pour le ministre de l’intérieur ;

 

Considérant que la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE, autorisée par un arrêté ministériel du 30 novembre 2005 à ouvrir un casino à Gujan-Mestras, a sollicité l’autorisation d’exploiter cent appareils de jeux automatiques dits "machines à sous" ; que, par un arrêté du 12 juillet 2006, le ministre de l’intérieur a fait partiellement droit à cette demande en l’autorisant à exploiter cinquante machines à sous, cette autorisation ne prenant toutefois effet, en vertu de l’article 2 de cet arrêté, qu’à compter du 1er octobre 2006 ; que, par une ordonnance du 14 août 2006, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l’exécution de cet arrêté en tant que son article 2 différait au 1er octobre 2006 l’autorisation accordée ; que, par un jugement du 25 novembre 2008 devenu définitif, le tribunal a annulé pour excès de pouvoir ce même article 2 au motif que la restriction temporelle apportée à l’exploitation des machines à sous ne reposait sur aucune base légale, ni sur aucun élément de fait susceptible de la justifier ; que la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2011 en tant qu’il a limité à 23 875 euros l'indemnisation du préjudice qu’elle a subi en raison de l’illégalité fautive entachant l’arrêté ministériel du 12 juillet 2006 et demande que cette indemnité soit portée à 840 000 euros ;

Considérant que si l'illégalité entachant une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où son application a entraîné un préjudice direct et certain ; que ni les dépenses d’un montant de 60 000 euros exposées par la société requérante pour le financement d’évènements destinés à assurer la promotion touristique de la commune de Gujan-Mestras ville, conformément aux stipulations du contrat de délégation de service public conclu pour l’exploitation du casino, ni les investissements réalisés, dont la société aurait dû, en tout état de cause, supporter le coût, ne sont directement imputables à l’illégalité commise par l’administration ; que la société n’établit pas avoir exposé, à raison de cette illégalité, des dépenses en pure perte ;

Considérant, en revanche, que la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE a subi un préjudice direct et certain du fait de la privation des bénéfices qu'elle pouvait normalement attendre de l’exploitation des cinquante machines à sous pendant la période qui s’est écoulée entre le 12 juillet 2006, date d’édiction des dispositions illégales de l’article 2 de l’arrêté ministériel, et le 14 août 2006, date à laquelle, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ayant suspendu l’exécution de ces dispositions illégales, la société a été mise en mesure de mettre en exploitation les appareils ; que la circonstance que la mise en service des machines à sous nécessite un délai de quinze jours, lequel n’a pour effet que de décaler d’autant le début et la fin de la période de responsabilité, n’a, en tout état de cause, pas d’incidence sur la durée de cette période ; que, pour déterminer le manque à gagner subi par la société requérante, il y a lieu d’appliquer au produit brut des jeux le taux de marge nette observé dans la profession, soit 15 % ; que, pour évaluer ce produit brut, il convient de se référer, dès lors que le casino dont il s’agit se situe dans une station touristique et balnéaire, non pas, comme l’a fait le tribunal administratif, aux données de l’exploitation observées au cours du mois de septembre 2006, mais à celles constatées les 30 et 31 août 2006, plus représentatives des pertes litigieuses, lesquelles ont été subies pendant la période estivale ; qu’il sera fait, dans ces conditions, une juste appréciation du manque à gagner subi par la société en l’évaluant à 87 120 euros ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE est fondée à demander que l’indemnité que l’Etat a été condamné à lui verser par l’article 1er du jugement attaqué en réparation de son préjudice soit portée à 87 120 euros ; que la société a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 1er juin 2007, date de réception par l’administration de la demande préalable du 30 mai 2007 ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l’Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme que demande la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

décide

Article 1er : L’indemnité que l’Etat a été condamné à verser à la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE par l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2011 est portée à 87 120 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2007.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2011 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées devant la cour par la SOCIETE DU CASINO DU LAC DE LA MAGDELEINE et les conclusions du ministre de l'intérieur présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.