Qu’est-ce qu’introduire une demande d’asile au sens du règlement Dublin ?

Décision de justice
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Manifester par écrit l’intention auprès de l’association qui administre la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile, c’est déjà introduire une demande d’asile.

Le règlement européen dit Dublin III désigne, sur la base de critères objectifs, un unique Etat membre de l’Union européenne comme responsable de l’examen de chaque demande d’asile. En vertu de l’article 21 de ce règlement, et dans un objectif de célérité, l’Etat membre qui est saisi d’une telle demande dispose en principe d’un délai maximum de trois mois pour requérir de l’Etat membre responsable la prise en charge du demandeur. Ce délai court – précise le texte – à compter de la date de « l’introduction de la demande d’asile ». Passé ce délai, c’est l’Etat membre saisi qui devient l’Etat membre responsable.

Afin d’obtenir un rendez-vous au service de l’asile de la préfecture, M. G., ressortissant algérien, s’est d’abord présenté le 3 octobre 2016 devant l’unité locale de la Croix-Rouge – laquelle gère, à la demande de l’administration, une plateforme d’accueil des demandeurs d’asile. Il a finalement été reçu au guichet de la préfecture en novembre suivant. Le 13 janvier 2017, cependant, et après avoir effectué les vérifications qui leur incombaient, les autorités françaises ont requis de leurs homologues espagnoles sa prise en charge, requête que ces dernières ont acceptée.

M. G. a contesté, d’abord devant le tribunal administratif de Toulouse, puis devant la cour administrative d’appel, l’arrêté préfectoral le transférant vers l’Espagne à l’issue de cette procédure. Selon lui, sa demande d’asile avait été introduite dès le 3 octobre 2016 si bien que, au 13 janvier suivant, la France était irrévocablement devenue l’Etat membre responsable de l’examen de celle-ci. Le préfet estimait en revanche que, compte tenu de la présentation de M. G. en préfecture en novembre 2016, le délai de trois mois qui lui était imparti avait été respecté.

Pour trancher ce litige, la cour administrative d’appel a tenu compte d’une part de ce que, le 26 juillet 2017, dans un arrêt C-670/16 rendu à la demande d’une juridiction allemande, la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit ce qu’il fallait entendre, au sens du règlement Dublin III, par l’« introduction d’une demande d’asile ».  Il en résultait que la demande d’asile doit être regardée comme introduite lorsque, notamment, l’autorité compétente pour assurer l’exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a établi un document écrit formalisant l’intention de l’étranger de solliciter l’asile.

D’autre part, la cour a pris acte de ce que, comme le permet l’article R. 741-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’administration a prévu que les demandes d’asile seraient présentées à Toulouse auprès de l’unité territoriale de la Croix-Rouge. Ce faisant, l’administration a délégué à cette dernière l’exécution d’une partie des obligations découlant du règlement Dublin III.

La cour en a déduit que la date à laquelle cette personne morale de droit privé, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l’intention de ce dernier de solliciter l’asile doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande d’asile. Cette date faisait donc partir le délai de trois mois prévu à l’article 21 du règlement. Corrélativement, et compte tenu notamment de l’objectif de célérité dans le processus de détermination de l’Etat responsable, la cour a refusé de fixer ce point de départ à la date à laquelle le ressortissant se présente au « guichet unique des demandeurs d’asile » de la préfecture ou à celle à laquelle sa demande est enregistrée par la préfecture.

En l’espèce, la Croix-Rouge ayant formalisé l’intention de M. G. de demander l’asile dès le 3 octobre 2016, les autorités françaises ne pouvaient plus valablement, le 13 janvier suivant et alors que le délai de trois mois était expiré, requérir des autorités espagnoles sa prise en charge. Par suite, l’arrêté préfectoral transférant M. G. vers l’Espagne ne pouvait qu’être annulé.

Lire l'arrêt 17BX03212 dans sa version simplifiée