Sont inconstitutionnelles les dispositions de l’article R. 6312-41 du code de la santé publique qui prévoient, pour réprimer certains manquements des exploitants d’ambulances, une sanction automatique.
En vertu de l’article L. 6312-2 du code de la santé publique, toute personne effectuant un transport sanitaire doit être agréée. L’article L. 6312-4 de ce code prévoit qu’est également soumise à autorisation la mise en service, par la personne agréée, de chacune de ses ambulances.
Selon l’article R. 6312-41 du même code : « En cas de retrait sans limitation de durée de l'agrément (…), les autorisations de mise en service dont bénéficie la personne concernée sont retirées. / Il en est de même lorsqu'une personne effectue des transports sanitaires en dépit du retrait temporaire d'agrément dont elle fait l'objet ». En application de ce second alinéa de l’article R. 6312-41, une société d’ambulances, dont l’agrément avait été très temporairement suspendu mais qui avait néanmoins effectué des transports sanitaires, s’est vu retirer ses autorisations de mise en service. Cette société ayant obtenu devant le tribunal administratif l’annulation de cette mesure, le ministre chargé de la santé a saisi la cour administrative d’appel.
La cour a d’abord rappelé le principe d’individualisation des peines qui découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Il en résulte, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu’une autorité administrative ne saurait se voire confier le prononcé automatique d’une punition sans égard à la gravité du comportement sanctionné, sans possibilité d’en dispenser l’intéressé, ni d’en faire varier la durée.
La cour a ensuite relevé que le second alinéa de l’article R. 6312-41, d’une part vise à la répression des exploitants d’ambulance ayant manqué à leurs obligations professionnelles, et d’autre part, comporte des effets dont la sévérité excède la mesure nécessaire à la préservation de l’ordre public. Cet alinéa institue par conséquent, toujours selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une punition au sens de l’article 8 de la Déclaration. Sa constitutionnalité est dès lors subordonnée, ainsi que la société d’ambulances le soutenait, à la possibilité pour l’administration d’individualiser, dans chaque cas particulier, la punition.
Force a été alors à la cour de constater que la disposition ne remplissait pas cette condition. De fait, le dispositif prévoit le retrait définitif des autorisations de mise en service lorsque le titulaire de l’agrément ne respecte pas la suspension temporaire de celui-ci. L’autorité administrative ne peut pas, par une appréciation de la gravité du manquement, en dispenser le contrevenant. Elle ne peut pas davantage moduler la durée du retrait ou réduire le nombre des autorisations sur lesquelles il porte. Les dispositions litigieuses confèrent ainsi, juge la cour, un caractère automatique à la sanction qu’elles instituent.
Ces dispositions étant ainsi inconstitutionnelles comme contraires au principe d’individualisation des peines, le retrait définitif des autorisations de mise en service infligé à la société d’ambulance par leur application était lui-même illégal. Aussi la cour a-t-elle confirmé l’annulation prononcée par le tribunal et rejeté l’appel du ministre.