Si le ministre de l’intérieur, pour l’application de la réglementation des jeux, peut interdire l’installation de machines à sous dans l’espace « fumeurs » d’un casino, le maire de la commune peut quant à lui, pour l’application de la loi Evin, ordonner la fermeture administrative du local.
Le 23 août 2013, le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur a demandé au directeur responsable de plusieurs casinos « de veiller à ce qu’au sein de [leur] établissement, aucune machine à sous (…) ne soit installée dans les emplacements fumeurs, faute de quoi il [serait] amené à suspendre voire à retirer l’autorisation d’exploitation de ces machines à sous. ». Ce courrier a été confirmé par le ministre le 25 novembre suivant. Les casinos concernés, après avoir saisi en vain le tribunal administratif, ont demandé à la cour administrative d’appel l’annulation de ces courriers et la condamnation de l’Etat à leur verser des dommages-intérêts au titre de leur manque à gagner.
La réglementation applicable aux jeux dans les casinos implique notamment que le directeur de l’établissement ou les membres du comité de direction puissent, à tout moment, et notamment en cas d’incident technique ou de difficultés éprouvées par un joueur, accéder aux machines à sous. Or, pour l’application de la loi dite Evin du 10 janvier 1991, le code de la santé publique définit les caractéristiques des « emplacements réservés à la consommation de tabac dans les lieux affectés à un usage collectif » en prescrivant notamment qu’« aucune tâche d’entretien et de maintenance ne [puisse] y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins une heure. » Aussi l’installation de machines à sous à l’intérieur de l’espace « fumeurs » d’un casino compromet-elle la mise en œuvre des mesures de surveillance prescrites par la réglementation des jeux. Dès lors, juge la cour, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le ministre, le 25 novembre 2013, a pu estimer que le maintien dans un tel espace de machines à sous justifierait la suspension ou la révocation de l’autorisation de les exploiter.
Le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur était incompétent pour assurer le respect, par le casino, de la réglementation relative aux jeux, et par conséquent, a également jugé la cour, le courrier du 23 août 2013 devait être annulé pour excès de pouvoir.
Toutefois, toujours pour l’application de la loi Evin, le code de la santé publique précise que les espaces « fumeurs » ne peuvent correspondre à des locaux dans lesquels sont délivrées des « prestations de service », en ce compris les jeux d’argent. Les autorités titulaires des pouvoirs de police administrative générale, au premier rang desquelles le maire, sont chargées de mettre en œuvre les règlements existants ayant pour objet la lutte contre le tabagisme. A ce titre, elles sont donc en droit d’empêcher, par toutes mesures administratives appropriées, qu’il soit proposé des jeux d’argent dans des espaces fumeurs. Par suite, juge encore la cour, le manque à gagner dont les casinos entendaient obtenir l’indemnisation aurait résulté exclusivement de leur maintien, après le 23 août 2013, dans une situation irrégulière à laquelle l’administration pouvait légalement mettre un terme à tout moment. Ce préjudice, dès lors, n’est pas indemnisable.