Les effets de la « mastérisation » sur certaines formations professionnelles

Décision de justice
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L’application réforme « LMD » à certaines formations professionnelles n’a pas nécessairement pour effet de faire entrer ces formations dans le champ de compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur.

Une lycéenne, qui avait été admise au baccalauréat à la session 2009 avec la mention « très bien », s’est inscrite pour l’année scolaire 2009-2010 dans l’institut de formation en soins infirmiers d’un centre hospitalier universitaire en vue de la préparation du diplôme d’Etat d’infirmière. Pour réaliser cette formation, elle a demandé à bénéficier de la bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite. Le bénéfice de cette bourse lui ayant été refusé, l’intéressée a saisi le tribunal administratif.

Selon la règlementation en vigueur, pour bénéficier d’une bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite, l’étudiant doit être inscrit dans une formation relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l’enseignement supérieur. En première instance, le tribunal administratif a annulé le refus litigieux au motif tiré de ce que, depuis un décret du 23 septembre 2010, le diplôme d’Etat d’infirmier confère au lauréat le grade de la licence. La cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif en considérant, au contraire, que la circonstance que les personnes titulaires du diplôme d’Etat d’infirmier se voient désormais conférer ipso facto le grade de la licence ne saurait avoir pour conséquence de faire regarder ces mêmes personnes, lorsqu’elles sont étudiantes, comme inscrites dans une formation relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur.

 

Lire l'arrêt 12BX01454 dans sa version simplifiée ci-dessous :

 

Vu le recours enregistré le 12 juin 2012 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 14 juin 2012 présenté par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

Le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1102312 du 6 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de Mlle Eva H==, la décision, en date du 15 mars 2011, par laquelle le recteur de l’académie de Toulouse avait rejeté sa demande de bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite pour l’année universitaire 2009-2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle H== devant le tribunal administratif de Toulouse ;

 

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret du 9 janvier 1925 relatif aux bourses nationales ;

Vu le décret n° 2008-974 du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l’enseignement supérieur ;

Vu le décret n° 2010-1123 du 23 septembre 2010 relatif à la délivrance du grade de la licence aux titulaires de certains titres ou diplômes relevant du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique ;

Vu l’arrêté du 31 juillet 2009 du ministre de la santé et des sports relatif au diplôme d’Etat d’infirmier ;

Vu l’arrêté du 31 juillet 2009 du ministre de la santé et des sports relatif aux autorisations des instituts de formation préparant aux diplômes d’infirmier (…) et aux agréments de leur directeurs ;

Vu la circulaire n° 2009-1018 du 2 juillet 2009 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, relative aux modalités d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux et des aides au mérite et à la mobilité internationale pour l’année 2009-2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant Mlle Eva H==, admise au baccalauréat à la session 2009 avec la mention « très bien », s’est inscrite pour l’année scolaire 2009-2010 à l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du centre hospitalier universitaire hôpital Rangueil en vue de la préparation du diplôme d’Etat d’infirmière ; qu’elle a demandé à bénéficier de la bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite prévue par le décret du 18 septembre 2008 ; que par une décision du 15 mars 2011, le recteur de l’académie de Toulouse a rejeté sa demande ; que par jugement du 6 avril 2012, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du recteur ; que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que pour rejeter, par la décision du 15 mars 2011, la demande de bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite présentée par Mlle H==, le recteur de l’académie de Toulouse s’est fondé sur la circonstance que les études en école d’infirmiers suivies par cette dernière ne sont pas dispensées dans un établissement ou dans une formation habilitée à recevoir des boursiers relevant du ministère de l’enseignement supérieur ; que, pour annuler cette décision par le jugement du 6 avril 2012, le tribunal administratif a retenu que les dispositions du décret du 23 septembre 2010 relatif à la délivrance du grade de licence aux titulaires de certains titres ou diplômes relevant du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique et de son annexe ont eu pour conséquence de faire entrer, à compter de la rentrée de septembre 2009, les élèves des écoles d’infirmiers dans le champ des étudiants de l’enseignement supérieur susceptible de bénéficier de l’aide au mérite ;

3. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 1er du décret du 18 septembre 2008 : « Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides au mérite sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur » ; que le point 1 « Conditions d’attribution » de l’annexe 8 « Aide au mérite » de la circulaire du 2 juillet 2009 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dispose que : « L’aide au mérite concerne : - l’étudiant titulaire d’une mention « très bien » à la dernière session du baccalauréat inscrit dans un établissement ou une formation habilitée à recevoir des boursiers ; / (…) En outre, cette aide est réservée à l’étudiant éligible à une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux (…) » ; qu’en vertu du cinquième alinéa du I de la même circulaire « Pour bénéficier d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux, l’étudiant doit être inscrit dans une formation relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l’enseignement supérieur (…) » ;

4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que, pour bénéficier d’une bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite, l’étudiant doit être inscrit dans une formation relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l’enseignement supérieur ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4383-3 du code de la santé publique, applicable à la date de la décision attaquée, la création des instituts de formation en soins infirmiers fait l'objet d'une autorisation délivrée par le président du conseil régional, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; que ce même article dispose que : « Le président du conseil régional agrée, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, les directeurs des instituts ou écoles de formation mentionnés au premier alinéa. / Les autorisations et agréments mentionnés au présent article peuvent être retirés en cas de non-respect des dispositions législatives ou réglementaires régissant l'organisation des formations et d'incapacité ou de faute grave des dirigeants de ces instituts ou écoles. / Les conditions dans lesquelles sont délivrés les autorisations et les agréments sont fixées par voie réglementaire » ; qu’un arrêté du ministre de la santé du 31 juillet 2009 réglemente ces autorisations et agréments ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les instituts de formation en soins infirmiers, tel l’IFSI du centre hospitalier universitaire hôpital Rangueil où était inscrite Mlle H==, relèvent de la compétence des régions pour leur création et leur fonctionnement, tandis que le ministre chargé de la santé est compétent pour réglementer les conditions de création et de fonctionnement de ces instituts ; qu’ainsi, à la date de la décision attaquée, la formation des étudiants inscrits dans les IFSI relevait non de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur, mais de celle du ministre chargé de la santé ; que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la seule circonstance que le décret du 23 septembre 2010 permet de délivrer aux titulaires du diplôme d’Etat d’infirmier le grade de licence conféré par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ne saurait avoir pour conséquence de les faire regarder comme des étudiants inscrits dans une formation relevant de la compétence de ce ministre ; que par suite, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 15 mars 2011 par laquelle le recteur de l’académie de Toulouse a rejeté la demande de bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite présentée par Mlle H== qui s’était inscrite à l’IFSI du centre hospitalier universitaire Hôpital Rangueil ;

6. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mlle H== ;

7. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, Mlle H== ne remplissait pas l’une des conditions posée par l’annexe 8 de la circulaire du 2 juillet 2009 pour bénéficier d’une bourse d’enseignement supérieur au titre de l’aide au mérite ; que si elle fait valoir qu’elle était inscrite en licence de soins infirmiers à l’université Paul Sabatier de Toulouse et qu’elle suivait ainsi une filière universitaire dans le cadre du dispositif européen d’études supérieures dit « licence-master-doctorat », il ressort des pièces du dossier que la mise en place de cette formation résulte de la coopération établie dans le cadre de la convention conclue le 14 juin 2010 entre l'université Toulouse-III, le groupement de coopération IFSI de Midi-Pyrénées, la Croix-Rouge française et la région Midi-Pyrénées ; qu’il ne s'agit donc pas d'une inscription à une formation délivrée par l'université, relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur ; que, d’ailleurs, la formation délivrée par les instituts de formation en soins infirmiers n’est pas sur la liste des formations préparées dans les établissements publics ouvrant droit aux bourses de l’enseignement supérieur figurant au point 1 de l’annexe 1 de la circulaire du ministre chargé de l’enseignement supérieur du 2 juillet 2009 et relevant de la compétence de ce ministre ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du recteur de l’académie de Toulouse du 15 mars 2011 ;

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande d’annulation de la décision du 15 mars 2011, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d’injonction présentées par Mlle H== ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

décide :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 avril 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle Eva H== devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.