Incompétence du juge administratif pour connaitre d’un litige contractuel en cas de clause compromissoire renvoyant à un arbitrage international

Décision de justice
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Par un arrêt de chambres réunies du 12 juillet 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux juge que les clauses d’arbitrage international introduites dans deux contrats signés entre, d’une part, le Syndicat Mixte des aéroports de Charente et, d’autre part, la société Ryanair et une de ses filiales, sont licites. La Cour en déduit l’incompétence du juge administratif pour connaître des litiges contractuels nés entre les parties.

En 2008, le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC) a conclu avec la société Ryanair Limited et la société Airport Marketing Services Limited, sa filiale à 100 %, deux contrats relatifs à une liaison aérienne entre Londres et Angoulême. Ces contrats, expressément soumis au droit français, comportaient chacun une stipulation imposant le recours au tribunal d’arbitrage international de Londres pour tout différend non résolu à l’amiable. En 2010, la société Ryanair Limited a notifié au SMAC sa décision de supprimer la ligne aérienne entre Londres et Angoulême mettant ainsi un terme aux deux contrats.

En juin 2010, le SMAC a saisi le tribunal administratif de Poitiers pour obtenir réparation des préjudices résultant de cette résiliation. Six mois plus tard, la société Ryanair a saisi le tribunal arbitral de Londres qui, par une sentence avant-dire droit du 22 juillet 2011, s’est déclaré compétent pour connaître du litige contractuel puis, par une sentence au fond du 18 juin 2012, a confirmé la validité de la résiliation des conventions par la société Ryanair et rejeté les conclusions reconventionnelles du SMAC.

Par jugement du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande d’indemnisation du SMAC et les conclusions reconventionnelles qui avaient été présentées dans l’instance par la société Ryanair et sa filiale.

Entre temps, par un arrêt du 19 avril 2013, le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent pour connaître du recours dirigé contre la sentence arbitrale rendue à Londres (CE, 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, n° 352750 et 36202), mais a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître de l’exequatur de cette sentence. Il est à noter que, par un arrêt du 8 juillet 2015, la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 8 juillet 2015, n° 13-25846) a estimé, au contraire, que seul le juge judiciaire est compétent pour examiner la demande d’exequatur de la sentence et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles.

La cour administrative d’appel de Bordeaux était saisie par le SMAC d’une requête d’appel dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2013. Par son arrêt du 12 juillet 2016, rendu en formation élargie (1ère et 2ème chambres réunies), la Cour confirme l’incompétence du juge administratif du contrat pour connaître du litige, sans pour autant reprendre les motifs qui avaient été retenus en première instance et qui étaient inspirés du code de procédure civile.

La Cour commence par rappeler le principe selon lequel les personnes publiques ne peuvent avoir recours à l’arbitrage, sauf dispositions législatives ou conventionnelles contraires (cf. CE avis, 6 mars 1986, n° 339710, ainsi que CE, 23 décembre 2015, Territoire des îles Wallis et Futuna, n° 376018). Puis, la Cour observe que la convention européenne sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961, régulièrement ratifiée et publiée, autorise les personnes publiques à conclure des conventions d’arbitrage pour le règlement de litiges nés ou à naître d’opérations de commerce international. La Cour définit alors le rôle du juge du contrat, auquel il revient de vérifier si le contrat, compte tenu de son objet et de ses stipulations, entre dans le champ d’application de cette convention et, dans l’affirmative, de vérifier si une clause compromissoire imposant le recours à l’arbitrage international est licite, notamment au regard des règles impératives du droit public français. (cf. TC, 17 mai 2010, INSERM, n° 3754 et CE, Ass. 28 décembre 2009, Commune de Béziers I, n° 304802). Enfin, constatant que les clauses compromissoires litigieuses ont été insérées dans des contrats portant sur des opérations relevant du commerce international, ce qui les fait ainsi entrer dans le champ de la convention du 21 avril 1961, la cour administrative d’appel de Bordeaux conclut à la licéité de ces clauses et en déduit l’incompétence du juge administratif du contrat pour connaître du litige contractuel, au profit de l’arbitre international.

CAA Bordeaux, 1ère et 2ème chambre réunies, 12 juillet 2016, Syndicat Mixte des aéroports de Charente

Lire l'arrêt 13BX02331 dans sa version simplifiée