L’administration ne doit pas priver d’effet utile le recours du comité d’entreprise à un expert-comptable en statuant sur la demande dont elle est saisie d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, avant la fin du délai imparti à l’expert-comptable pour remettre son rapport.
L’Etat avait homologué le document unilatéral de la société Bois Debout, placée en redressement judiciaire, portant projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l’emploi.
La légalité de cette décision ayant été confirmée par le tribunal administratif de la Guadeloupe, la cour était saisie en appel par la confédération générale du travail de la Guadeloupe et le comité d’entreprise de la société.
Après citation des articles applicables du code du travail, la Cour rappelle la jurisprudence du Conseil d’Etat en vertu de laquelle il appartient à l’administration, saisie d’une demande d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, de s’assurer que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été régulière. A ce titre, il lui incombe en particulier de vérifier, lorsque le comité d’entreprise a sollicité l’assistance d’un expert-comptable selon les modalités prévues par l’article L. 1233-34 du code du travail, que ledit expert-comptable a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de donner, en toute connaissance de cause, son avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application, ainsi que sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l’emploi. CE 13.04.2018, Société Moncigale et ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social 1/ comité d’entreprise de la société Moncigale, n° 386376.
Par transposition d’une jurisprudence de la cour de cassation, la cour juge par ailleurs, que pour ne pas priver d’effet le recours du comité d’entreprise à un expert-comptable, sa désignation, au cours de la première réunion du comité d’entreprise en application de l’article L. 1233-34 du code du travail, justifie l’organisation d’une seconde réunion, y compris en cas de redressement judiciaire où pourtant une seule réunion n’est normalement prévue par l’article L. 1233-58 du code du travail. C. Cass, ch. Sociale, 7.07.1998, n° 96-21205.
En l’espèce, la cour considère qu’en dépit de plusieurs convocations, le comité d’entreprise de la société Bois Debout n’a pu valablement se réunir avant le 22 février 2018. Elle estime que lors de cette séance du 22 février 2018, qui doit ainsi être regardée comme la première réunion du comité d’entreprise au sens de l’article L. 1233-34 du code du travail, celui-ci s’est régulièrement prononcée en faveur de l’assistance d’un expert-comptable. La cour en déduit que l’expert-comptable désigné en application de l’article L. 2325-35 du code du travail bénéficiait de l’ensemble des droits découlant de ces dispositions.
Or, la Cour relève que la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, datée du 20 mars 2018, est intervenue avant le terme du délai imparti à l’expert-comptable, par l’article L. 1233-30 du code du travail, pour rendre son rapport. L’administration a ainsi statué sans laisser la possibilité au comité d’entreprise de recevoir l’avis de l’expert-comptable.
Par suite, elle en conclut qu’alors même que ledit rapport n’a, dans les faits, qu’été rendu, le 23 avril 2018, soit hors du délai imparti, la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été irrégulière.
Pour ce motif, la Cour annule la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi de la société Bois Debout, ainsi que le jugement du tribunal administratif de Guadeloupe.