Dans l’appréciation sommaire des dépenses induites par une expropriation pour cause d’utilité publique, l’expropriant ne doit pas tenir compte de la plus-value conférée à un terrain par l’exploitation de la source qui s’y trouve lorsque l’exproprié ne l’exploite pas ni n’a les moyens matériels de l’exploiter.
A l’issue d’une enquête publique, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré d’utilité publique, au profit du syndicat mixte du Nord-Est de Pau, l’instauration d’un périmètre de protection immédiate autour de la source d’eau potable dite d’Aygue Blanque. Cet acte permettait au syndicat mixte d’acquérir, au besoin par voie d’expropriation, les terrains concernés.
La commune de Louvie-Jouzon, qui exerce des droits de propriété sur le terrain où se situe la source, lui-même compris dans le périmètre de protection immédiate, a demandé l’annulation de cette déclaration d’utilité publique devant le tribunal administratif de Pau. A l’appui de cette demande, elle a soutenu notamment, et à juste titre, que le coût d’acquisition du terrain n’avait pas été pris en considération dans l’appréciation sommaire des dépenses qui, en vertu du code de l’expropriation, doit figurer au dossier soumis à enquête publique. Pour ce motif, le tribunal a annulé la déclaration d'utilité publique. Le syndicat expropriant a donc saisi la cour en appel.
La cour a rappelé que, dans la jurisprudence du Conseil d’Etat, l’obligation de faire figurer au dossier soumis à l'enquête publique une appréciation sommaire des dépenses permet à tous les intéressés de s’assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel tel qu’il peut être raisonnablement apprécié à l’époque de l’enquête, ont un caractère d’utilité publique. Dès lors, la seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n’est pas par elle-même de nature à entacher d’irrégularité la procédure si notamment, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l’opération.
La cour juge que, le cas échéant, l’appréciation sommaire des dépenses d’acquisition doit tenir compte des conditions dans lesquelles le juge de l’expropriation serait appelé à fixer l’indemnité d’expropriation. Or, en application de la loi telle qu’interprétée par la Cour de cassation, ce juge doit prendre en considération la plus-value apportée au terrain par l'exploitation d’une ressource naturelle lorsque, un an avant l’arrêté ordonnant l’ouverture de l’enquête publique, la ressource était exploitée par son propriétaire, ou lorsque cette ressource est exploitable par lui à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, compte non tenu, en principe, des améliorations postérieures à l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique.
La cour a constaté, d’une part, que la commune de Louvie-Jouzon n’avait jamais exploité la source, d’autre part, qu’à la date de l’arrêté ordonnant l’ouverture de l’enquête publique, les ouvrages présents sur le terrain ne permettaient pas, à son bénéfice, cette exploitation. Par suite, il était vraisemblable à l’époque de l’enquête publique que le juge de l’expropriation ne serait pas appelé à indemniser la plus-value attachée à l’exploitation de la source. Dès lors, l’évaluation sommaire des dépenses n’avait pas à tenir compte de cette plus-value. Aussi le prix d’acquisition du terrain, inculte, étroit, difficilement accessible et supportant des ouvrages rudimentaires, aurait-il pu être évalué à un montant dérisoire.
La cour en a conclu que l’estimation figurant au dossier, même si elle ne tenait pas compte de ce montant, n’avait pas pu priver le public de la moindre garantie ni induire en erreur l’autorité administrative quant à l’utilité publique de l’opération. Par conséquent, elle a annulé le jugement attaqué et, après avoir écarté les autres moyens de la commune de Louvie-Jouzon, a rejeté la demande que celle-ci avait présentée devant le tribunal.