La cour administrative d’appel de Bordeaux confirme l’annulation de l’autorisation unique délivrée le 29 janvier 2018 pour la réalisation des travaux de contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac et prononce l’annulation de la déclaration d’intérêt général du projet et des permis d’aménager. Elle confirme l’obligation pour le département de la Dordogne de démolir les éléments déjà construits et de remettre les lieux en état.
Afin de répondre aux difficultés de circulation sur la RD 703 dans sa partie traversant la commune de Beynac-et-Cazenac, le département de la Dordogne a élaboré un projet de contournement de la commune par le sud, comportant principalement une voie nouvelle de 3,2 kilomètres, deux ponts franchissant la Dordogne en amont et en aval du bourg et un passage sous la voie ferrée reliant Sarlat-la-Canéda et Bergerac. La déclaration d’utilité publique du projet, prononcée le 26 décembre 2001, est devenue définitive, mais plusieurs associations et riverains ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes d’annulation de quatre décisions : la déclaration d’intérêt général du projet, résultant d’une délibération de la commission permanente du conseil départemental de la Dordogne du 18 décembre 2017, les permis d’aménager du 18 janvier 2018 délivrés par les maires de Castelnaud-la-Chapelle et de Vézac et l’autorisation unique du 29 janvier 2018, délivrée par le préfet de la Dordogne valant autorisation « loi sur l’eau » au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, autorisation de défrichement, accord au titre de l’article L. 414-4 du code de l’environnement concernant la protection des sites Natura 2000 et dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Le 28 décembre 2018, le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution de l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2018 puis, par quatre jugements du 9 avril 2019, le tribunal administratif a annulé cet arrêté. Il a également ordonné au département de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux. Par quatre autres jugements du même jour, le tribunal a en revanche rejeté les demandes d’annulation de la déclaration d’intérêt général et des deux permis d’aménager.
La cour, saisie en appel par le département de la Dordogne des quatre jugements d’annulation de l’autorisation environnementale, retient en particulier la réalité des atteintes portées par le projet à un grand nombre d’espèces animales protégées et à leurs habitats dans un site Natura 2000, objet de plusieurs décisions de protection du biotope, ainsi que l’amélioration des conditions de circulation apportées en 2017 par les travaux de voirie réalisés dans le bourg de Beynac-et-Cazenac, rendant le contournement moins utile. Elle confirme l’annulation de l’autorisation unique du 29 janvier 2018 en estimant que le projet ne répondait pas à une « raison impérative d’intérêt public majeur », condition posée par l’article L. 411-2 du code de l’environnement pour qu’il puisse être dérogé à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats.
Malgré le coût important des travaux déjà réalisés et des travaux que nécessite la remise en état du site et malgré les nuisances qu’entraîneront les travaux de démolition, notamment en ce qui concerne les piles des ponts, la cour confirme par ailleurs l’injonction de démolition prononcée en première instance, estimant que la démolition n’entrainera pas une atteinte excessive à l’intérêt général compte tenu des précautions qui devront être prises lors des opérations de démolition, de l’atteinte grave que porterait au paysage le maintien d’ouvrages inachevés dans un site patrimonial parmi les plus remarquables de France et du bénéfice attendu à moyen et long terme de la restauration de la fonctionnalité écologique du site naturel. La cour fixe un délai d’un mois pour que soit engagé le processus de démolition des ouvrages construits hors des berges et du lit de la Dordogne et un délai global de douze mois pour que soient réalisés l’ensemble des travaux de démolition et de remise en état.
Enfin, la cour, saisie également d’appels des requérants de première instance contre les refus d’annulation du tribunal en ce qui concerne les autres décisions, annule la déclaration d’intérêt général du projet en considérant que son intérêt a été relativisé par les travaux réalisés postérieurement à la déclaration d’utilité publique de 2001 et qu’il ne justifie plus l’atteinte portée à la biodiversité, ainsi que le permis d’aménager délivré au nom de l’Etat par le maire de Castelnaud-la-Chapelle, entaché d’une irrégularité de procédure que la cour n’a pas estimé devoir faire régulariser compte tenu de l’annulation de l’autorisation préfectorale du 29 janvier 2018 qui empêche la poursuite des travaux et, enfin, le permis d’aménager délivré par le maire de Vézac, dès lors que l’annulation des autres actes le privent de toute finalité.
CAA Bordeaux, 5ème chambre, 10 décembre 2019, Département de la Dordogne et autres n° 19BX02327, 19BX02367, 19BX02369, 19BX02378, 19BX02421, 19BX02422, 19BX02423, 19BX02424